24 septembre 2014

Mariages en vue

Deux de mes jeunes amies très chères, SEONG Yuri, et LEE Yura, que je viens de revoir à Séoul me font savoir que se précise leur projet matrimonial. Et leur immense bonheur !
Les fiancés, je ne les connais pour l'heure que par leur intermédiaire. Mais bientôt de visu puisque déjà Yuri m'invite et insiste pour que je sois de la fête à son mariage, le 27 décembre. Yura, ce sera courant 2015.

Le mariage, c'est un sujet que j'aime à aborder avec ces jeunes Coréennes qui croisent mon chemin (au-delà des cours de français ou des activités touristiques). A mon sens c'est capital, c'est constitutif de l'être-au-monde, même si nombre de jeunes doutent. Doutent d'eux-mêmes, doutent de l'autre. Les accompagner sur le chemin de l'engagement matrimonial, c'est aussi ma manière de les inviter à "travailler pour 우리 나라". Participer à résoudre le malthusianisme ambiant désastreux dans certaines nations modernes.
Je me réjouis avec elles.

Et il y a eu aussi ce mariage de Marion et Thomas à Dijon, en juillet dernier. Marion est française née coréenne, plutôt parisienne que bourguignonne, Thomas est français ultra-marin d'origine, il est aussi ami de Jérémy MALACLET.
Sun-Ju et Young-Ok avaient été invitées et sollicitées comme interprètes pour la famille de naissance de Marion (sa mère et sa sœur retrouvées en Corée un an plus tôt et venues à la fête à Pont-de-Pany).
Au dernier moment Sun-Ju a été empêchée, Young-Ok, ne voulant pas y aller seule, m'a demandé de prendre la place de Sun-Ju. Challenge audacieux ! J'ai cependant accepté. J'ai dû assumer d'être à la table des mariés avec la mission de permettre à la sœur coréenne de Marion, Suyeon, de s'intégrer à sa belle-famille française. Entre l'anglais, quelques bribes de coréen, et les délices dans nos verres et nos assiettes, ça a fonctionné à peu près. La maman française de Marion, très prévenante à mon égard, m'avait facilité la tâche. Pendant ce temps, à une autre table, Young-Ok assurait l'intégration de la mère coréenne de Marion.
Je souhaite à tous beaucoup de bonheur, et redis ma gratitude à la maman française de Marion. La similitude de nos situations - elle a deux filles coréennes, moi, trois fils coréens - nous met en empathie.

"Coreemonamie" m'entraîne décidément sur des chemins insoupçonnés !

Yuri, le 27 décembre 2014, au bras de son père :

23 mars 2014

Bouddhisme en Corée. Religion sans dieu ?

Bonjour.

Voilà plus de quarante ans que je fréquente la Corée et des Coréens là-bas, ici, et ailleurs.

D'emblée, Bouddha, Confucius, Jésus de Nazareth, le Dieu des Chrétiens me sont apparus comme des modeleurs fondamentaux de la vie et de la pensée des Coréens.

Cet article va être long à construire, j'y médite depuis longtemps. Ici, ce n'est que le titre.
Il sera nourri de mon expérience là-bas et ici, essentiellement celle des contacts personnels, beaucoup aussi de l'observation, ainsi que de l'écoute assidue de l'émission dominicale par France2 "Sagesses Bouddhistes".

Le 1er juin 2014.
Août 1973, entrant à Jogyesa (temple bouddhique central près d'Insadong à Séoul), je suis sidéré du décalage entre l'idée que je m'étais forgée des pratiques bouddhiques - méthodes de vie visant l'accès au bonheur par l'exacerbation des seules facultés mentales - et la présence quasi "déifiée" du Bouddha et de ses acolytes. Alors que j'imaginais une ambiance d'introversion dépouillée je voyais soudain s'exprimer une religiosité, voire un fétichisme, pire que les excès constatés à Fatima ou à Lourdes ou dans les villes de la Chrétienté lors de processions de "Pénitents". Ces majestueuses mises en scène du Bouddha dans tous les temples et la foule des "fidèles" psalmodiant et gesticulant devant ces statues dorées m'ont fait penser à la scène de Moïse redescendant du Sinaï chargé des Tables de la Loi - signe à mon sens de son "éveil" - furieux de voir le peuple des Hébreux adorer le Veau d'Or.
Mon interrogation se résumait ainsi : comment l'athéisme affiché comme cœur d'une philosophie a-t-il pu se dévoyer en religion ?
 
Mon bonheur du jour consiste en la préparation d'une tarte à la rhubarbe. Je la cueillerai au jardin, sur un plant donné il y a dix ans par ma voisine portugaise, soigné au fil des saisons, j'égoutterai soigneusement les tronçons épluchés et vidés de leur eau par saupoudrage de sucre, j'ajusterai ma recette pour que le jus ne traverse pas le fond préalablement pré-cuit ; et j'espérerai la partager avec Young-Ok.
Si vous voyez le lien entre ce précédent paragraphe et le titre du message, j'aurai réussi : il s'agit en fait de dire à travers un petit rien de la vie quotidienne la conscience d'appartenir à une entité unique et totale, ce que Young-In me disait à Naesosa nommer "dieu".
 
La suite de ce message devrait aborder la question que pose le syncrétisme constaté en Corée : Comment cohabitent au for interne de la même personne les prédicats catho-chrétien, bouddhique, chamanique, confucianique, nationaliste... Ils sont monnaie courante les phénomènes d'exclusion, de posture en chiens de faïence, de conversion ou de va-et-vient, de tiraillements ou de synthèse acrobatique.
 
D'autres réflexions viendront, plus personnelles, au sujet des concepts bouddhiques qui me posent problème : impermanence, cycle des réincarnations, panthéisme (déjà esquissé) ; ainsi qu'une autre interrogation majeure, capitale :
"Eveil" et "Salut", est-ce assimilable ?
 
Revenez voir ici de temps en temps.

Le 29 juillet et le 3 août 2014.
Impermanence.
Ce concept - essentiel à la pensée bouddhique - est celui qui me heurte le plus. Il est vrai que nous avons normalement tous conscience d'être de passage "ici-bas", mais de là à nier tout sens à aucun engagement durable "pour la vie", je ne peux pas suivre. Car l'engagement durable me semble être ce qui nous permet le lien à l'Eternité, transcendant les vicissitudes de l'existence. Exemple a contrario : lorsque mon épouse a quitté le foyer conjugal, détruisant vingt années de construction d'une famille, adoption-éducation de trois très jeunes enfants accueillis depuis l'autre bout du monde, j'ai senti le sol se dérober sous mes pieds, je n'avais plus ni passé, ni avenir, ni présent, tout projet réduit au néant, je n'étais plus rien, nos enfants se trouvaient soudain abandonnés par une mère pour la deuxième fois dans leur vie.
Comment construire quoi que ce soit, comment s'investir dans aucun projet sans y intégrer la dimension durable : couple, relation amoureuse, famille, organiser la cohérence idées-travail-logement-budget, s'engager dans une vie "religieuse" en communauté... et même cultiver son jardin ? Ou alors, assumer de ne rien décider, et imaginer trouver le bonheur au gré des circonstances ? Le "jour-le-jour" sans engagement, ça me paraît être la servitude, l'exact opposé de la voie vers la libération.
A l'inverse, peut-être faudrait-il que j'apprenne à me libérer de ces attaches affectives jugées autour de moi excessives avec choses et gens : la forêt, mes amitiés coréennes... Young-In, cela a-t-il un sens de saluer tous les matins sa photo, souvenir d'un déjeuner ensemble près de Naesosa ?... Oublier Seong-Ja et l'épisode de Sorokto ? Laisser Yuna, Yukyoung et leur mère, Yura et Mira, Yuri et Yeri, Hyejin, Soyeon, Suji et les autres à leur vie actuelle de jeunes femmes ou d'étudiantes ?

Chamanisme-fétichisme.
Chuseok, j'ai vécu ça dans la famille de Yuna. A plusieurs reprises. Ainsi que les anniversaires des disparitions des ancêtres. J'ai vu apparaître leurs panneaux-mémoires, j'ai vu les baguettes posées sur les bols de riz, j'ai dû respecter le chemin libre au passage de leurs mânes. Même interdiction au "Royal Shrine" à Séoul.
Quelle n'a pas été ma surprise de constater un jour de Chuseok à Séoul que Jogyesa, haut lieu bouddhique coréen, intègre allègrement tout ce fétichisme ! Foule immense d'adeptes joyeux en superbes hanboks défilant devant les rutilantes statues des Bouddhas dorés, venant déposer offrandes comestibles et vœux dans les mains des moines réjouis de voir se garnir les rayons de leurs frigos et entrepôts. Quelque chose qui ressemblait à l'allégresse de mise aux sorties de la "messe de onze heures" de notre Chrétienté européenne. Du coup, j'ai pensé que nous aussi, disciples de Jésus de Nazareth, risquons également l'accusation de fétichisme.
 
Le 10 décembre 2014.
Réincarnation.
Malgré ma sincère et profonde bonne volonté, je ne parviens pas à considérer ce concept comme sérieux.
Corrélation avec ça - ou alors je demande à un Maître de me guider sur la Voie et sur la compréhension des choses - ma difficulté à intégrer que chacun soit invité à réduire, estomper, voire abolir son égo.
Comment en effet parler de "compassion" si ça ne se vit pas entre "personnes", là où le cœur de l'homme est touché, là où chacun sent comme constitutif du plus profond de sa propre humanité le devoir de la promouvoir chez l'autre quand elle est affectée ?