24 décembre 2007

Hyun-Ju (Julie)

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Julie, ce soir c'est Noël.

Chez nous en Occident, oui. Mais désormais partout sur la Terre. A Brisbane où tu es, c'est bientôt minuit, Noël doit y battre son plein !
Pardonne-moi d'abord de publier cette photo (qui a déjà plus de trois ans) sans avoir eu ton autorisation expresse. A l'époque je ne parvenais pas à te convaincre que tu pouvais être une "pretty girl". Maintenant, tu le sais ! Et c'est la beauté de ton coeur que reflète ton visage.

Il m'a semblé que l'honnêteté vis-à-vis de mes lecteurs m'obligeait à te présenter dans ces pages. Car ils sont nombreux qui se demandent quelles sont nos relations :
Nous nous connaissons depuis cinq ans et demi. C'est Yuna ton amie de jeunesse qui nous avait rapprochés.
Ni toi ni moi n'oublierons jamais ce premier après-midi en tête-à-tête au Starbucks-Café de Somyeon où, malgré la difficulté du dialogue en anglais hésitant, nous avons tout de suite beaucoup partagé. L'un comme l'autre, nous nous efforcions d'exprimer et de comprendre ce que l'amitié naissante réclamait d'échanger.
Puis : les rendez-vous à l'entrée du Lotte, les retrouvailles d'une année sur l'autre, le shopping - quel plaisir pour moi que tes conseils sur le choix des T-shirts ! - les séances photo avec tes amies, les petits restaurants, les longues discussions, les vagues à Haeundae, les cadeaux, le séjour à Hadong où je t'avais sollicitée comme interprète entre la maman de Yuna et moi, la rose que tu m'avais offerte pour ma fête - première fois dans ma vie ! - les dîners autour d'un crabe à Millak (c'est la photo ci-dessus prise par KIM Tae-Hoon), la visite à ton Université, la journée touristique jusqu'au Temple de Yonggung et les photos avec ce garçon qui aurait bien voulu être ton boyfriend, le métro qui nous emporte, les appels téléphoniques entre Velars et Busan, tes lettres merveilleuses, les difficultés dans ton travail que tu m'expliquais par e-mail, les cartes que je t'envoyais à des adresses improbables et fluctuantes (Ah ! vous autres Coréens vous avez tous ce démon de la bougeotte !) que je m'efforçais de calligraphier en Hangeul, les délicieux "chats" volés sur notre temps de travail, toi à BEXCO - je me rappelle un certain jour passé minuit à Busan tu étais encore au bureau pour finir la rédaction d'un projet ; tu y serais dès 8 h le lendemain matin ! - moi à l'APP de Dijon... le week-end l'an dernier chez tes parents à Samga avec la visite de Hapcheon-Daem.
...
Ce dimanche après-midi-là, le temps s'est arrêté un bon moment, tu m'as conduit le long des digues qui bordent la rivière, ce sont les lieux de ton enfance heureuse, tu me l'as racontée... C'est mystérieusement une part de ta vie qui devenait mienne !... certainement une autre expérience de l'amour !
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Cette année-ci nous n'avons pas pu nous voir à Busan, tu venais de quitter la Corée pour l'Australie, après bien des hésitations ; Jack en est témoin, auprès de qui tu avais cherché conseil. Ton but c'est d'améliorer ton anglais pour "booster" ta carrière.
Personne des tiens n'est encore venu te voir à Brisbane. Alors j'ai imaginé ça : un peu comme ces trois Mages assez fous pour courir après une étoile, ces "fous du Roi d'Israël" qui ont franchi les déserts, je franchirai les airs et les continents, j'irai te porter un cadeau. "Fantastic news !" a été ta réaction. Merci. Encore quelques jours et nous nous retrouverons !
Certainement tu vas me raconter beaucoup de choses. Moi aussi. Peut-être vas-tu renouveler ta promesse de venir me voir un jour... jusqu'à la forêt - que ton fantôme ne cesse de hanter - ... comme l'ont déjà fait Yuna, Yukyoung et leur maman ?
De ce blog que tu consultes, tu captes quelques bribes : des bouts d'anglais, des transcriptions de Hangeul, des photos. Je te traduirai (j'essaierai !) ce que j'ai écrit ici.
Je ne sais pas où cette histoire nous mène. Nos âges nous interdisent un destin commun.
Peu importe ! Ces moments de bonheur illuminent la vie.
Tout ça est "présent".

19 décembre 2007

Corée 2008...




Aujourd'hui les Coréens se choisissent un nouveau Président.

On dirait que cette élection leur brûle un peu les doigts au moment de mettre leur bulletin dans l'urne :

- faible participation annoncée,

- les Coréens à l'étranger ne votent pas - même ceux de l'Ambassade, l'un d'eux le disait lundi soir - et restent très discrets,

- le Président ne peut se présenter pour un deuxième mandat consécutif... le spectre de la dictature plane encore,

- le candidat majoritaire dans les sondages jusqu'à hier est sous le coup d'une enquête indépendante voulue par l'Assemblée Nationale ; décision que son parti conteste.

J'appréciais le Président ROH :

Il a fait tout son possible pour rapprocher son pays de la Corée du Nord. Les relations humanitaires et commerciales se développent.

Sous son égide, la signature d'un armistice est en vue.

Il l'a fait en s'affranchissant peu à peu de la tutelle américaine, politiquement, économiquement, et sans froisser l'autre géant, chinois.

Il a placé un compatriote en responsabilité majeure à l'ONU, confirmant la place de son pays au nombre des nations qui comptent.

Pour ce que j'ai connu de lui - il avait choisi de rencontrer Racines Coréennes en 2004 - il me laissera le souvenir d'un homme honnête, de ceux dont la Corée a besoin à sa tête.

... Et, sous son mandat, toute facilité de retour a été donnée aux natifs de Corée adoptés à l'étranger, avec le visa F4. Ca n'est pas la double nationalité, mais ça en a tous les avantages : séjour aussi longtemps que souhaité, droit de travailler, pas de service militaire.

Au nom de mes fils, merci ! Benoît devrait bientôt en profiter.

Il y a six mois j'ai dit à Sun-Ju et à d'autres amis coréens à Busan et à Dijon que la réunification de la Corée allait survenir de façon soudaine... comme en Allemagne !... Et proche. Je pronostiquais un an, soit mi-2008. On restait sceptique. Sous réserve que le prochain Président continue sur cette lancée,

je confirme mon pari !

09 décembre 2007

Marée noire en Mer Jaune.

Il y a quelques jours un pétrolier taïwanais a été éperonné par une barge remorquée au large de la côte occidentale de la Corée du Sud.
Ils n'ont pas pu endiguer efficacement à temps le pétrole déversé en grande quantité dans la mer.
La marée noire vient d'atteindre la côte au droit de la ville de Daejon, exactement la presqu'île de Tae-an. Le parc national maritime, les cultures d'huîtres, 50 km de plages et de rochers sont déjà souillés.
On en parle peu en France.
J'aimerais participer au nettoyage, si c'est utile. Je questionne aujourd'hui mon ami KIM Tae-Hoon de Busan à ce sujet.

03 décembre 2007

Verba

Voici en vrac des paroles chargées pour moi d'un inépuisable potentiel. Certaines appartiennent à l'histoire de l'humanité. D'autres m'ont été spécifiquement adressées. Toutes me parlent :

- "Bernard, tu sais que tu avais un jumeau ; enfants de la guerre, vous étiez tous les deux très faibles, il n'a survécu que quelques minutes à sa naissance. La sage-femme de Tassin la Demi-Lune, Mme V., m'avait dit : "Ne vous faites pas de souci, Madame H., d'ici vingt-quatre heures le deuxième de vos jumeaux aura rejoint le premier." ! " (ma mère, quand j'ai eu "l'âge de raison").

- "Bereshit bara Elohim..." (La Genèse I,1).

- "Est-ce que tu crois à la ré-incarnation ?" (Jean-Jacques G. camarade de classe de quatrième au Lycée Duveyriez à Blida, en cour de récréation, avril 1957).

- "L'eau que je te donnerai : une source jaillissante pour la vie éternelle." (Jésus de Nazareth, environ 30 de notre ère).
- "Ne vise pas des choses impossibles ; ce serait l'occasion de ton malheur." (Bouddha, ou un de ses disciples, quelques siècles avant notre ère).
- "Tu me demandes le chemin du bonheur ? Le bonheur, c'est le chemin."... et encore : "Je suis la voie, la vérité, la vie." (les mêmes).

- "Bernard, dis-moi : qu'est-ce qu'il y a après la mort ?" (maman, Champagne au Mont d'Or, dans les années 90).

- "O vos omnes qui transitis per viam ..." (liturgie grégorienne de la Toussaint).

- "Bernard, tu habites très loin !" (M. Ricard P.S.S., Séminaire Saint-Irénée, 1969).

- "Ich liebe dich !" (Yuna, Gwangalli, 17 août 2001).
- "I miss you." (Hyun-Ju, Busan, si souvent !).

- "J'aurais aimé être plus vieille. ... ! ... ? ... Oui, comme ça, je me serais mariée avec toi." (Emilie D., 23 ans, à la forêt, Villeberny, 3 août 2004).

- "Papa !" (Samuel à un an, Romenay, 1984).

- "Jung-Hoon (= Benoît), tous les mercredis matin, pendant quinze ans, j'ai regardé à la télé les enfants adoptés à l'étranger qui voulaient retrouver leur famille d'origine en Corée. J'espérais te voir ; je ne t'y ai jamais vu... Mais tu es là maintenant avec nous !" (Soeur aînée de la mère de Benoît, Daegu, 23 août 2003 - traduction simultanée par Yuna).

- "In Korea I've got a father. In France I have a papa." (Yuna, Londres, automne 2005).
- "Il est mon fils bien-aimé. En lui j'ai mis toute ma confiance. " (Dieu le Père, de toute éternité).

- "Ne changez rien, continuez comme ça, c'est parfait !" (Audrey G. stagiaire à l'APP, Dijon, 2005).

- "Pater agie, teresson autous en to onomati sou ô dedôkas moï" (Jésus de Nazareth).

- "Bernard, je vais peindre sur tes ongles les mêmes dessins que j'ai sur les miens. Comme ça je suis sûre que tu penseras souvent à moi !" (Yuna Omma, Hadong, 31 août 2006).

- "Mektoub" (Le Coran... et aussi : ma belle-mère, en français, années 80 à Romenay).

Paroles brutes ou ciselées, reproduites ici dans un désordre apparent. Qui s'agencent entre elles, et encore avec d'autres, qui se questionnent, se contredisent et se répondent, selon les aléas du temps présent.
Au contraire d'un kaléidoscope de futilités éparpillées, mais jouant tantôt de leur premier degré, et tantôt de leur vertu symbolique, elles participent à dévoiler progressivement à mes yeux la mystérieuse vocation du monde à l'unité.

Pour clore ce message : cette image des prémices de Chuseok (célébration coréenne des générations précédentes et des moissons), illustration de la vérité ci-dessous.
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(Hadong, 17 septembre 2007)

"Si le grain ne meurt..."

21 novembre 2007

Song-Ja


Qui m'avait adressé cette photo ?
Juin 1974, soit dix mois après la journée à Sorokdo (cf "Au commencement..." du 6 nov. 2007) je recevais cette photo accompagnée d'un courrier : c'était le jour de son baptême, elle avait choisi "Lucie" comme prénom chrétien ; son père, m'écrivait-on, était très malade, à l'article de la mort...
Mais pourquoi cette photo et ce courrier ?
Un des collègues de Jack avait dû remarquer pendant le pique-nique comment Song-Ja était particulièrement attentionnée à l'égard de son sauveteur du matin... et que je n'y étais pas insensible, dans la limite des 14 ans que je lui donnais.
Song-Ja, étais-tu à l'initiative de ce courrier ?
En tout cas, à Sorokdo, tu avais réussi à déchirer ma camisole de célibataire !
Si bien que, au printemps 1974, je venais de m'engager... avec quelqu'une de Sainte Foy-lès-Lyon. Nous allions nous marier en fin d'année. Il n'était pas question de papillonner. J'ai donc rangé la photo avec d'autres reliques dans une boîte à chaussures. Et je l'ai oubliée - la photo, pas Song-Ja : une journée au Paradis, ça vous marque pour la vie !
Un quart de siècle plus tard, nous quatre (c'est-à-dire mes trois fils nés Coréens et moi - madame ayant déserté entre-temps) posons nos valises à Velars, où je m'installe en prévision aussi d'une prochaine retraite.
Surprise ! Un carton de déménagement stocké et scotché depuis dix ans à Romenay délivre la boîte à chaussures et la photo oubliée.
Signe du Ciel ?
C'est l'année où la Corée est "Invitée d'honneur" à la Foire de Dijon. Occasion pour nous quatre d'aller y réveiller quelque chose. Mes trois fils en reviendront avec leur nom coréen calligraphié et un intérêt naissant pour leur pays d'origine. Germe l'idée d'aller voir là-bas...
Notre premier voyage a lieu dans l'été 2001 (les deux aînés et moi). J'avais pu auparavant retrouver la trace de Jack. Il est toujours à Séoul, où nous le rencontrons. Il fait la connaissance de mes fils et de leur histoire. Il m'explique où trouver l'auteur du courrier : à Gwacheon.
Métro, ligne 4. La chance me conduit jusqu'à lui. Il se souvient très bien de Song-Ja qui était au service de sa communauté à cette époque, et de l'épisode de Sorokdo :
Elle avait en fait, non pas 14, mais 19 ans (20 ans selon le compte coréen), me dit-il ; jeune fille intelligente et serviable, attentive et discrète, efficace... La perle dont nous rêvons tous !
Au début des années 80 elle est partie en Amérique "Mi-Guk", comme de nombreux jeunes Coréens à la peine dans leur pays. Elle s'est très probablement mariée là-bas.
Pardonne-moi, Song-Ja, de raconter ta vie !
Retour en France, des annuaires américains me donnent l'adresse d'une PYON Sung-Ja dans le Maryland. J'écris, en joignant une copie de la photo. Sans réponse.
C'est peut-être mieux ainsi.

Août 2004, les parents de Yuna me conduisent en pèlerinage à Sorokdo. Maintenant la plage sur l'île est populaire et très fréquentée ; un pont va bientôt remplacer les bateaux-navettes. L'endroit exact du pique-nique, le voici, les pins n'ont pas bougé, à peine plus gros. Aujourd'hui le ciel hésite entre vent, éclaircies et nuages, pas suffisant pour annoncer un typhon.
Assis à l'ombre du même pin, je cherche des yeux là-bas à gauche : des vagues verdâtres poussent une mousse douteuse sur le gravier. Des gamins crient en se lançant des touffes d'algues sales...
Song-Ja, pour te revoir, j'ai le choix :
Cette bouteille à la mer, ou croire au Paradis !

18 novembre 2007

Yuna Omma

Yeoboseyo ! Yuna Omoni ! Annyong hashimnikka ?...


- Ah ! Bernard ! Ca va bien. Humm, ça sent bon chez toi !

... Aujourd'hui, je cuisine un boeuf-carottes. C'est la recette de ma belle-mère. Elle aimait bien préparer ça quand elle venait chez nous à Romenay.

Viens, je t'invite. Il y a même du kimchi à la maison que tu pourras rajouter, ou du gochujang ! Laisse tomber ton bibimpap.

- Je voudrais bien ! Mais je ne peux pas. J'ai déjà des clients. Ce dimanche soir ils sont venus très tôt !

... D'accord. Mais promis : au printemps tu viens... et c'est moi qui ferai la cuisine. Ca sera enfin des vacances pour toi. On ira à la forêt ramasser des pousses de fougères... Je te préparerai du saumon sur le barbecue... On ira se balader à vélo le long du canal.

- OK. Et tu m'emmèneras à Londres. On ira ensemble voir Yuna et Yukyoung - j'ai du souci pour elles - et on verra aussi Samuel.

On se voit bientôt !

... Oui. Je t'embrasse. Anyonghi kaeseyo !

- Garde la santé. Anyonghi kaeseyo !

10 novembre 2007

Adjuma

Hier soir, entre Yokohama et Shanghaï le porte-conteneurs de Thalassa faisait escale à Busan : monstres des mers aux étraves profilées comme des requins, ballet millimétré des géants mécaniques rouges et blancs, c'était aussi l'occasion de nous conduire dans les ateliers Hyun-Dai à Ulsan.

Non pas les voitures, mais la construction navale. En particulier de longues minutes à filmer une ouvrière soudeuse.
Nous l'avons vue s'adonner à la gymnastique collective du matin, s'équiper du quasi-scaphandre des soudeurs, puis à l'oeuvre dans des gerbes d'étincelles, déjeûner au restaurant d'entreprise un oeil sur la télé Hyun-Dai, puis visiter fini le bateau auquel elle avait participé, et enfin chez elle en famille évoquer discrètement son métier, reconversion en interne acceptée pour le bon niveau de salaire, malgré les réticences familiales.
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Cette photo, je l'ai prise à Busan dans le quartier de Sassang.

Ca vous étonne que je montre ça ?

Oui, la Corée qui m'intéresse - outre les temples et palais, villages et danses folkloriques, kimchi, bulgoki et autres marchés de poissons crus... que j'adore ! - c'est aussi la Corée industrieuse, davantage encore quand elle me parle des métiers de ma famille.
Dans les petites rues de Sassang, ça résonne la chaudronnerie, ça sent l'huile de coupe chaude, ça rutile d'acier fraîchement tourné, ça ébarbe des ébauches brutes de fonderie, ça usine jusque tard le soir pour achever la commande à livrer demain matin.

Je pensais à mon père. Sa formation initiale et sa deuxième carrière c'était la mécanique. Ingénieur Arts et Métiers - ses ouvriers admiraient sa capacité à remplacer n'importe lequel d'entre eux sur un tour ou une fraiseuse - il aurait aimé m'accompagner.
En plus, comme dans le reportage de Thalassa, le tourneur c'était une femme !
Je suis passé devant l'atelier, j'ai hésité, je suis revenu sur mes pas. Je lui ai demandé si je pouvais faire la photo. OK. Elle a fait signe à son patron de mari. Ils m'ont offert un café.

06 novembre 2007

Au commencement...

Hier soir encore, à l'occasion du cours de coréen - ou de sa troisième mi-temps dans le bar à bière du bas de la Rue Berbisey - on m'a demandé depuis quand je connaissais la Corée.

Dorénavant, pour répondre à la question, référence sera faite à ce blog où la légende se fige en vérité historique :

Entre lycéens d'Ampère à Lyon, dans les dernières années cinquante, nous jouions au plus érudit. La géographie revenait souvent ; les atlas nous fournissaient une mine de trésors pour briller le lendemain devant les copains.
Vous avez deviné. Bravo !

Donc, la curiosité m'avait guidé jusqu'à un petit appendice colorié en brun tout au bout de la carte d'Extrême-Orient - juste avant le Japon, trop banal - où ne figuraient que deux noms : le pays et sa capitale en petites italiques accrochées à un point noir.
Quand j'ai demandé : quelle est la capitale de la Corée ? aucun de mes copains de Troisième n'a répondu. Mais, étrangement, depuis ce jour Séoul m'a intrigué.

Aujourd'hui, cinquante ans plus tard, je me demande comment avaient pu glisser sur notre juvénile mémoire politique les événements qui avaient focalisé sur ce petit pays l'antinomie des deux idéologies dominant la planète après la fin de la deuxième guerre mondiale ?

C'est vrai que la France se remettait à peine du cauchemar indochinois et que la nouvelle arrogance soviétique à Berlin était plus inquiétante parce que plus proche. L'Algérie dont nous revenions juste - papa était militaire à l'époque - monopolisait nos capacités de conscience géopolitique.

Années 70 :

Le hasard des rencontres à la Paroisse de Sainte-Foy-lès-Lyon me (nous) rapproche de Jack T. prêtre Salésien américain affecté à Séoul depuis plusieurs années. Sa mission l'oblige à de nombreux contacts en Europe. Jack nous tient informés de son action dans les faubourgs de Séoul, notamment la construction du "Don Bosco Youth Center" dans le quartier de Yeongdeungpo, structure d'accueil et de formation professionnelle pour jeunes en difficulté.

Août 1973, c'est Jack qui nous engage à découvrir la Corée...
Les souvenirs de ce voyage foisonnent : la folle envie de communiquer avec tous ces gens... Anyong-haseyo, Kimchi-juseyo, Gamsa-hamnida, Tabang, Agassi, Noktcha-juseyo, Olma-heyo... la majesté de NamDaeMun, le shopping pressé sur Myeong-Dong déjà, la course effrénée des bus, la pauvreté partout, leur farouche volonté de s'en sortir, de rattraper le Japon, de conquérir l'Occident... les cohortes de touristes japonais à Pulguksa, le typhon à Mokpo, la plage immense et vierge à Haeundae, la DMZ plus armée que partout au monde, le mess des officiers américains dont les enfants bilingues à six ans accompagnaient les mères sur les marchés pour la traduction... Et le sourire des coréennes.

15 août 1973 :

Jack et d'autres collègues nous conduisent à une journée de vacances standard sur la plage de Sorokdo. Aujourd'hui encore les Coréens sont discrets sur cette petite île, à cause de l'hôpital pour lépreux.
Ce jour, la plage était à nous seuls :
Matin calme de lendemain de typhon, mer parfaite, méditation attentive sous les pins... mais soudain là-bas un peu à l'écart du groupe des Européens une des deux jeunes agassis perd pied. On me dit qu'elle ne sait nager que depuis la veille ! Le réflexe de surveillant de baignade cingle : mieux qu'à l'entraînement, je bondis, cours, plonge, nage jusqu'à elle, passe en-dessous, la saisis sous le menton. Elle ne se débat pas, elle a confiance, elle se laisse faire. Nageant sur le dos je la ramène sur la plage.
Nous ne disposons d'aucun mot commun, ni coréen, ni français, ni anglais pour nous dire quoi que ce soit. Elle s'assied, elle retrouve ses esprits, elle ne retournera pas au bain, je reprends ma méditation.
Une demi-heure plus tard, le pique-nique est prêt : tapis sans le moindre grain de sable, vaisselle magnifique ; ce qui est à consommer froid est froid, ce qui doit être chaud est chaud. Song-Ja - on vient de me redire son prénom - me fait signe de prendre place à côté d'elle. Elle me sert comme l'ont appris les Coréennes (merci Confucius !) : ce que j'aime, elle l'a repéré, elle le prépare, elle me le présente au bout de ses baguettes... Le Paradis !
Je lui donnais 14 ans. Impensable d'imaginer quoi que ce fût de plus que le souvenir.

Fin août 1973 :
Kimpo (seul aéroport de Séoul jusqu'en 2001). Fin des vacances. Déjà dans la file d'attente pour l'enregistrement des bagages. Deux des jeunes filles du Centre de Jack déboulent avec leurs cadeaux : pour moi ce couple de poupées en bois tourné peint.
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"Belladetta", merci, et bravo !

01 novembre 2007

L'équipement du bonhomme de Jirisan


La chemise (8500 won = 6,40 €) et le short (10000 won = 7,50 €) dénichés dans la galerie marchande souterraine de Nampo-Dong à Busan... à ras du chantier de la Tour Lotte (cent étages prévus : K63, va te rhabiller ! mais déjà loin en-dessous de Dubaï et Singapour).

Le T-shirt, cadeau de Yuna (eh ! oui ! ladies first ! Yuna tu es la première nommée dans ce blog - mais Samuel est bien là aussi, il a ici le rôle d'administrateur pour pallier ma définitive novicité dans l'utilisation de cet outil merveilleux - Benoît arrive, le voilà nommé !).
T-shirt officiel des millions de supporters des Reds à l'été 2002. Qui n'a pas vu la marée rouge sur Taepyongno - quand les Reds ont cru un temps accéder au podium - a tout à découvrir de la Corée. Yuna me l'avait envoyé par la poste... A l'automne, elle débarquait à Londres... elle y est toujours.
On en trouve encore sur le marché de NamDaeMun à 2500 won.

Les chaussures de randonnée choisies à Dijon spécialement pour les frotter au granit de Jirisan, mais démarrées dans les bois de Villeberny.
Il y aura certainement ici des billets relatifs à la forêt.

Les chaussettes "La Double" viennent de la boutique d'équipements de montagne du Mollard à Albiez-le-Vieux.
C'est là-haut que Yuna avait appris à dire "Bonne Année"... après "Bonzour".

La montre, "Titanium" d'une grande marque suisse. L'envie m'en est venue lors d'une virée à Genève à l'initiative de Yuna et de sa soeur Yukyoung. J'ai pensé que pour affronter les décalages horaires et la variabilité de la longueur du jour selon les saisons, les latitudes, voire les altitudes, un outil de qualité pour mesurer le temps était indispensable.

Les lunettes, filtrage UV et verres progressifs (âge oblige !) ; j'en aurais trouvé à meilleur marché chez n'importe quel opticien de Busan ! Mais non remboursées là-bas !

Et, caché dans la poche, l'Opinel N°12. Il vient d'Albiez, évidemment.
En juillet 2001, il passait les contrôles de sécurité à Roissy et à Francfort sans problème. Au retour fin août, soit deux semaines avant le fatidique 11 Septembre, le service de sécurité d'Incheon le faisait voyager en compagnie de l'équipage... qui me l'a restitué à Roissy. Depuis, il ne voyage plus qu'en soute. Le problème c'est avec l'Eurostar ; il ne passerait pas.
Mais la Corée n'a pas encore installé de portiques de sécurité à l'entrée de ses Parcs Nationaux. J'avais donc de quoi éplucher ma pomme ! Mûres ou vertes, comme leurs énormes poires vendues à l'unité dans leur cocon individuel, servies épluchées et détaillées, les Coréens adorent !

Pourquoi donc toutes ces digressions ?

Lecteur agacé, pardonne-moi ! C'est pour commencer à dire ce qui pourrait être le fil rouge de ces narrations : une sorte de vérité que la Corée m'enseigne un peu plus tous les jours, mais qu'on trouvait déjà sous la plume scolastique dans cette formule arrangée à notre goût de séminaristes :

"Tota in toto... et quodam modo reciprociter !"


Patient lecteur, pour ton repos mérité, je t'offre ce Bouddha, un de mes préférés.


Dasolsa, 20 septembre 2007.

30 octobre 2007

Jirisan, 21 septembre 2007

Je ne vous vois pas. Il y a trop de brouillard dans la vallée. Et jusqu'au sommet, j'ai imaginé que le ciel allait faire une exception pour moi, un clin d'oeil...



Mais bonjour à vous. Qui me connaissez, ou qui arrivez ici par le hasard ou la pertinence de votre googlemania.

N'est-ce pas étrange de commencer par une arrivée au sommet ? Oh, bien modeste sommet, mais fréquenté depuis la nuit des temps. Point culminant de la Corée du Sud continentale. Connu de tous dans ce pays : ceux qui l'ont gravi, ceux qui en redoutent les colères, ceux qui racontent la vue magnifique de là-haut, ceux qui fantasment quant au supposé niveau sportif de la grimpette.

C'est l'arrivée, mais c'est pour dire le titre. Eternelle quête d'en-haut, aller-retour sans fin, brouillard venu de la mer, qui se résoudra en pluie pour y retourner ; au passage les vivants se seront abreuvés, le riz aura poussé...

Ici vous marcherez dans mes traces coréennes.
Ca démarre à Jirisan parce que c'était mon but cette fois-ci, ça ne sera pas un guide touristique - quoique...! - ça sera souvent en France en compagnie de mes amis coréens et sympathisants, ça ira aussi au gré des rencontres et des humeurs. Bonjour !