07 janvier 2010

YUNA, toujours

Velars, 29 décembre 2009, au petit matin :


"Petit matin", pour elle ! En fait, c'était midi passé. Je l'avais seulement sortie du lit pour lui dire que je voulais aller porter un petit quelque chose à ma voisine la vieille dame allemande, seule et souffrante.
Elle a voulu confectionner un cadeau à la manière coréenne : froufrous de papier doré, rubans... un peu kitsch certainement, mais de quoi décupler le plaisir de recevoir une part de mon gâteau au yaourt, trois clémentines, sept papillotes et une rose.
Puis elle a juste enfilé un manteau sur son pyjama, et nous voilà partis dans la neige jusqu'à la porte de Madame Perrot.
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Ces quelques minutes m'ont rappelé en particulier la soirée à l'hôtel de Seogwipo avec Damien à l'été 2002 où elle avait su transformer le pique-nique frugal en réveillon de bonheur fou, à partir d'une banale barquette de kimpap, d'un bol de ramyeon et d'une grappe de raisin rapportés de la supérette locale.
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Ici, entre le départ de Samuel et l'arrivée de Hyejin, nous avons eu deux jours entiers rien qu'à nous deux : l'occasion de reparler de son baptême encore tout frais, de choisir dans la Bible des passages expressifs à nos coeurs, de nous les traduire, de nous laisser rapprocher un peu plus de Celui qui nous unit désormais.
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Mais je me pose beaucoup de questions :
Tout ça n'est-il pas trop ? un papa peut-il être aussi proche de sa fille ? n'y a-t-il pas un risque de la maintenir dans une situation de dépendance affective ? de gêner chez elle le développement d'une relation adulte avec un compagnon pour la vie ?
Chez ses parents à Hadong, la chambre où je dors est pleine de ses souvenirs d'enfance et de jeunesse, ainsi que ceux de Yukyoung. Quel est ce plaisir de feuilleter leurs albums ? rattraper les dix-neuf années qui me manquent de sa vie ? est-ce souhaitable, est-ce possible, est-ce légitime ?
Hier et aujourd'hui, nous avons bavardé sur Live Messenger : d'elle, du départ compliqué de Hyejin, de son bijou oublié chez moi... Demain, elle me fera signe probablement aussi depuis son travail. N'est-ce pas recommencer avec elle ce que j'avais vécu avec Julie (voir le message du 24 décembre 2007) ?
Maintenant qu'elle m'a beaucoup dit de ce qui la tenait en froid avec son père coréen, maintenant qu'elle a fait la part des choses, et qu'elle renoue avec lui, ne devrais-je pas m'écarter ? jusqu'à laisser filer le processus d'adoption ?
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Et mes fils ? n'auraient-ils pas tout lieu d'un certain agacement, voire de jalousie, de cette relation privilégiée, eux qui commencent à me dire que je suis un peu trop distant - respectueux, leur dis-je - de leur vie personnelle !
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Vous, les papas qui entretenez une relation régulière et affectueuse avec votre ou vos filles, dites-moi ce que vous en pensez !
C'est aussi pour ça que j'ai rédigé ce message.

6 commentaires:

Bernard a dit…

Velars, 25 avril 2010.
Yuna vient de passer deux semaines dans son pays. Pour accompagner une de ses amies (coréenne de Londres) à son mariage là-bas. Aussi pour revoir sa soeur à Busan, Hye-Jin, Benoît, ses parents...
De retour à Londres elle m'a donné d'eux de bonnes nouvelles ; elle m'a dit avoir reçu la bénédiction de son père. La réconciliation est là ! Je pense y avoir contribué.
Mais, du coup, elle marque quelque distance par rapport à moi : ce n'est plus "Papa", c'est "Bernard". Difficile.

Bernard a dit…

8 mai 2010. En Corée, c'est le "Jour des Parents"... Et Yuna vient de m'appeler au téléphone, en français : "bonjour, ça va ?".
En fait elle venait juste de souhaiter bonne fête à ses parents à Hadong. Et c'est son père qui l'a convaincue de m'appeler aussi en tant que fille attentionnée. Ils se réjouissent de ma visite avec Orphée fin octobre - "ma mère aime tellement les enfants !"

Bernard a dit…

10 mai 2010. Je m'inquiète :
N'est-il pas dangereux de tenter de fuir dans le fidéisme évangélique l'alternative à laquelle sa vie londonienne l'expose ? Elle refuse de choisir :
- Soit retourner en Corée, où huit ans d'expérience britannique pourraient lui être profitables. Car son pays n'est pas l'enfer qu'elle redoute, en tout cas pas pire que son employeur coréen de Londres...
- Soit elle choisit la nationalité britannique, et un monde nouveau, positif et bien réel s'ouvre devant elle. Mais elle se cramponne : "Je suis Coréenne !"...
Je crains une issue dramatique si elle persiste à refuser cette vérité des choses et à rechercher des échappatoires factices à ses problèmes chroniques de visa et de travail.

Bernard a dit…

19 mai 2010. Yuna vient de quitter son employeur coréen de Londres. Je lui ai dit qu'elle a bien fait, c'est la case départ sur un chemin de vérité.
Mon rôle de parrain, ou de coach, sinon de papa est délicat, je n'ai pas droit à l'erreur dans mes conseils.

Bernard a dit…

Yuna vient de trouver une "voie moyenne" : partir en Inde, culturellement et géographiquement à mi-chemin entre le Royaume-Uni et la Corée. Je pourrais m'en réjouir... le "hic" c'est qu'elle y va avec l'étiquette et le statut de "missionnaire évangélique". Là, je redoute le pire !

Bernard a dit…

16 juillet 2010. Yuna est partie en Inde, à Nagpur.
Puis au Sri-Lanka, probablement pour revoir Lassith.
Yuna, était-ce donc là le véritable but de ta "mission" - comme je te l'avais dit avant ton départ ?
Hye-Jin, puisque tu vas la voir, puisses-tu lui remettre les pieds sur terre ! Je t'en remercierai beaucoup.